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Cinéma | Dans les salles en septembre 2018 - L'AMOUR EST UNE FÊTE

  • Photo du rédacteur: H-tag
    H-tag
  • 3 sept. 2018
  • 4 min de lecture


Avec L'Amour est une fête, Cédric Anger a fait le choix de ne pas jouer longtemps le film d’infiltrés dans le milieu du porno. L'enquête est ainsi presque un prétexte et le spectateur ne voit pas seulement une histoire avec une action qui monte et qui se développe, mais au contraire une sorte de balade où l'on passe d’un genre à un autre sans avertir. Le cinéaste confie :

"A partir du moment où le film essaie de faire sentir une sorte de liberté joyeuse d’une époque et d’une façon de faire du cinéma, je voulais que tous les éléments du film, le récit et la forme, racontent ça et se développent très librement. Raconter l’esprit libertin et libertaire de manière cadenassée et vissée, ça aurait été faux et hors sujet. D’abord je voulais prendre le contrepied des productions anglo-saxonnes sur le porno, qui obéissent toujours à un imaginaire puritain avec ascension et chute, comme si les acteurs de cette industrie devaient payer le prix d’en avoir fait. Je n’ai pas le sens du pêché et ma tendance va plutôt vers des morales clandestines autres, que vers la morale ordinaire."


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Date de sortie 19 septembre 2018 (1h 59min)

De Cédric Anger

Avec Guillaume Canet, Gilles Lellouche, Michel Fau

Genre Comédie

Nationalité Français


Le film:

Paris, 1982. Patrons d’un peep show, Le Mirodrome, criblés de dettes, Franck et Serge ont l’idée de produire des petits films pornographiques avec leurs danseuses pour relancer leur établissement. Le succès est au rendez-vous et ne tarde pas à attirer l’attention de leurs concurrents. Un soir, des hommes cagoulés détruisent le Mirodrome. Ruinés, Franck et Serge sont contraints de faire affaire avec leurs rivaux. Mais ce que ces derniers ignorent, c’est que nos deux « entrepreneurs » sont des enquêteurs chargés de procéder à un coup de filet dans le business du « X » parisien. C’est le début d’une aventure dans le cinéma pornographique du début des années quatre-vingt qui va les entraîner loin. Très loin...




"L'Amour est une fête" fait référence aux films tournés par ces réalisateurs de l'époque qui disaient qu'ils ne faisaient pas des films pornos, encore moins des films X, en raison de la censure. Ils parlaient au contraire de « films d’amour », une expression usuelle de l'époque. Cédric Anger précise : "Et tourner ces films d’amour était vraiment une fête, au contraire du porno d’aujourd’hui. Ils avaient parfois plus de rapports sexuels entre les prises que pendant, les assistants toquaient aux portes des chambres pour que les acteurs s’économisent ! Et régulièrement à la fin du tournage, l’équipe proposait de terminer la « fête » qu’est le film en partouze. Ce sont des moeurs différentes, une autre façon de vivre, qui est ce que découvrent les personnages de Gilles et Guillaume. Il n’y a pas à juger, c’est comme ça. Et puis ce n’est pas parce qu’on contredit la morale courante qu’on est sans morale."



Cédric Anger a toujours voulu faire un film sur le porno français des années soixante-dix/quatre-vingt, celui tourné en pellicule, ainsi que sur celles et ceux qui faisaient ces films. Selon le metteur en scène, il y avait une insouciance qui n’a rien à voir avec le porno d’aujourd’hui et avec le porno américain de la même époque, beaucoup plus industrialisé et professionnel. Il explique :


"Le cinéma pornographique français de ces années-là est inséparable de la libération des moeurs post-68. Il est fabriqué avant tout par des gens qui s’amusent, pour qui ces tournages sont des moments de vacances et de plaisir. Il faut bien comprendre qu’ils ne tournaient pas ces films par nécessité financière, mais parce qu’ils en avaient envie. D’ailleurs la plupart des actrices, acteurs et réalisateurs de cette époque sont plutôt des petits-bourgeois branchés, qui aiment faire la fête et ne se soucient pas trop du lendemain. Brigitte Lahaie par exemple était fille de banquier, elle a tourné par plaisir, pour s’affirmer et puis pour provoquer sa famille. La plupart de ces actrices vivaient leur métier de façon naturelle. Si certaines étaient payées au « black », la majorité avait droit aux congés spectacles et aux Assedic, comme les autres actrices. Les acteurs, pareil"


Pour Cédric Anger, l'un des plus grands films français sur la liberté de moeurs est Jules et Jim. À son propos, François Truffaut parlait du « caractère scabreux des situations et de la pureté de l’ensemble ». Le réalisateur raconte : "J’espère qu’il y a un peu de ça, une émotion malgré la nature des situations. Et de la beauté là où on pense qu’il n’y a que de la vulgarité. Je voulais que plus le film avance, plus il baigne dans une ambiance familiale et douce. C’est ce qui me plaisait, faire un film subversif avec une douceur totale, sans agresser le public ni vouloir le choquer. Au contraire, en l’enveloppant de tendresse."


Cédric Anger a fait le choix de situer L'Amour est une fête en 1982 car il s'agit vraiment de l’année où des groupes de la mondaine ont eu pour mission de mener la vie dure aux pornographes, de faire des descentes dans les peep-shows et clubs de strip. Le réalisateur développe : "Des établissements comme ça, il y en avait partout, c’est difficile de se rendre compte aujourd’hui. Ce monde-là a disparu. En 1982, le ministère de la Culture a commencé à appliquer la loi X à la lettre, avec une rigueur policière. Ensuite, 1982 est une des dernières années du cinéma porno tourné en pellicule, dont je crois le dernier film est de début 1984. Dorcel commence à tourner en vidéo en 1979, début quatre-vingt ça se généralise peu à peu. Il faut dire que là où un film coûtait deux à trois cent mille francs, tout d’un coup il n’en coûte plus que dix mille. Mais en 1982, il y a encore pas mal de monde qui tourne en pellicule et qui veut « faire cinéma ». À partir de 1983-1984, la consommation changera également avec l’avènement du magnétoscope et le porno mensuel de Canal+ en 1985. Enfin, 1982, c’est surtout la dernière année de légèreté post-68 en ce qui concerne la sexualité. En 1983, le sida fait les gros titres. Et tout change. C’est pour cela aussi qu’on termine sur un coucher de soleil. Ce n’est pas seulement l’âge d’or du porno qui se termine, c’est une forme d’insouciance."




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